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Rare sont les auteurs qui peuvent se vanter d’avoir écrit pour des artistes aussi divers que Nana Mouskouri, Richard Anthony, Alain Bashung ou Paul Personne. Boris Bergman, avec 35 ans de carrière à son actif, fait partie des ces oiseaux rares que les interprètes de tous genres s’arrachent.

 

Début dans les deux langues

 

Comme son prénom l’indique, Boris Bergman est d’origine russe. Cependant, c’est à Londres qu’il voit le jour. Il arrive en France, avec ses parents, à l’âge de quatorze ans. Le choc culturel provoqué par ce déménagement est énorme, mais n’ébranle pas la passion de Boris pour l’écriture. Car, depuis qu’il est tout petit, Boris Bergman sait que son métier sera l’écriture. Il passe ses temps libres à écrire des spectacles ou encore, des bandes dessinées.

 

 

Il commence sa carrière en 1967, avec une chanson intitulée Nocturne. Cette chanson est alors enregistrée par Éva. L’année suivante, un directeur artistique qui croit en l’auteur, et qui le sait bilingue, lui commande un texte en anglais. Ce texte, intitulé Rain and Tears, fut enregistré par les Aphrodite’s child, un groupe grec dont fait partie Demis Roussos, alors coincé à Paris faute de visa. Malgré ce succès anglophone, on lui commande des chansons en français.

 

Le revers de la médaille

 

C’est ainsi qu’il écrit pour Nana Mouskouri (Mon enfant, Adieu mes amis, Garde ton coeur ici), Juliette Gréco (Les feuilles de tabac, 1968, Le roi misère, 1968), David Christie (N’éteins pas le feu Élisa), Herbert Léonard (Mon coeur est comme une rivière) et Jean-Claude Annoux (Plus un sou, 1969). À cette époque, les adaptations en français de chansons anglophones sont très répandues. L’auteur en écrira plusieurs dont celle de My sweet Lord (Georges Harrison), en 1971, qui devient L’or pour Vicky Leandros. Celle-ci avait enregistré Réponses, du même auteur, en 1969.

 

Parmi les interprètes de cette période, figurent aussi Richard Anthony (L’an 2005, 1970, Maggie May, 1971), Esther Galil (Amour, ma délivrance, 1972), Dalida (Darladirladada, Quelque larmes de pluie, 1969, Le septième jour, 1969, Le vent n’a pas de mémoire, 1970, L’an 2005, 1970), Michel Delpech (Un Paris Soir sur le visage, 1972), Gilles Dreu (Dans un tonneau de vin, 1970, Marche sur le feu, 1971, La fête des amis du clair de lune), France Gall (Shakespeare et pire encore), Patrick Juvet (Sonia), Régine (La la la) et Gérard Lenorman (Je partirai, Roule ma bille, À coeur la vague).

 

Par ailleurs, Nicoletta obtient deux de ses plus grands succès grâce à la plume de l’auteur : Fio Maravilla (1973) et La bande à Nico (1975). Visage (1971), Pour la paix (1973), L’exil (1974) et Photo (1975) font également partie du répertoire de l’interprète.

La prise de conscience

 

En 1972, Boris Bergman écrit les paroles françaises de la chanson thème du film Le parrain. La chanson ainsi créée s’intitule Parle plus bas. Plusieurs interprètes l’enregistrent alors dont Dalida, Georgette Lemaire et Tino Rossi.

 

Parallèlement à toutes ces activités, l’auteur signe également des chansons plus engagées, notamment pour Maurice Dulac et Marianne Mille. Ceux-ci chantent Libertad, Au royaume des oiseaux, Dis à ton fils, Le fusil et la rose (1972), Partage des coeurs et Fais-moi un ciel bleu (1972), entre autres. Dans la même veine les Troubadours enregistrent Nattends pas l’automne et Un soldat de plomb.

 

Cependant, malgré les succès qu’il obtient, Boris Bergman se sent à l’étroit dans ce métier si difficile. Il prend conscience, lors d’un séjour d’un an à l’île Maurice, vers 1974, d’être deux personnes différentes dans son écriture. Car, tout en continuant à écrire en français, il a aussi signé des chansons en anglais, notamment pour Sofia Loren. Ces chansons anglophones recèlent de ces jeux de mots et de ces double sens, qui font défaut aux chansons francophones que l’auteur a signées  jusqu’ici.

 

De Christophe à Bashung

 

En 1976, il collabore à l’album Samouraï de Christophe. Cette collaboration amorce le changement dans le style d’écriture de l’auteur ; changement qui sera pleinement assumé avec Alain Bashung. En attendant, il écrit pour divers artistes, de Noëlle Cordier (Mon coeur pour te garder) à Catherine Lara (Dernière édition, Mais demain à qui dirai-je, 1974), en passant par Nicole Croisille (L’amour d’une femme, 1977), Gérard Palaprat (Un homme a disparu dans le ciel), Marie Laforêt (Pourquoi les hommes pleurent, 1973, La rumeur, 1977, Demain se dessine si bien, 1977) et Alice Dona (Ne chantez pas, Nous ne sommes plus que deux, Un peu de vin fou).

 

Boris Bergman rencontre Alain Bashung et lui écrit plusieurs textes, dès 1975. Cependant, le succès tarde à venir. Des titres comme Bijou bijou, Je fume pour oublier que tu bois, L’amour c’est pas confortable (1978) sont décalés par rapport à ce qui ce fait alors. Pourtant, en 1980, les chansons des deux complices finissent par rejoindre le public : Gaby Oh! Gaby est un énorme succès. L’année suivante, Vertige de l’amour prend la relève. Alain Bashung collabore encore quelques temps avec l’auteur, puis c’est la séparation.

 

Le rocker et le bluesman

Pendant les années quatre-vingts, l’auteur collabore également avec Eddy Mitchell : Tu peux préparer le café noir (1981) et Lèche bottes blues (1989). Par ailleurs Diane Tell (Dégriffe-moi, Party’s) et Lio (Tétéou, 1983) enrichissent agréablement la liste des interprètes de l’auteur.

 

Après Alain Bashung, c’est au tour de Paul Personne de devenir l’interprète fétiche de l’auteur. En 1989, Paul enregistre Bootlenek et Coeur à carreau, chansons qui amorcent une belle et longue collaboration. En effet, les chansons Général Lee (1992), En cabane sur les branches (1992), Lavomatics (1992), Plus jamais me laisser bluesser (1994) sont là pour le prouver.

 

Les nouvelles collaborations

Le parolier, de plus en plus sollicité, écrit, pendant les années quatre-vingt-dix, pour Maxime Leforestier (Chienne didée, L’écho des étoiles, 2000), Viktor Lazlo (Pleurer des rivières), Axelle Renoir (Le quatrième singe, Le signal, La belle saison, toutes de 1998) et Jean-Pierre Kalfon.

 

À la fin de la décennie, Boris Bergman rencontre par hasard Élise Velle, par l’intermédiaire de Nathalie Bibeau. L’album La belle est dans ton camp naît de cette collaboration. Outre la chanson titre, cet album comprend Passage du hasard, Lits de papier et La complainte de la petite rue. Les musiques sont signées René Dupéré.

 

En plus d’être auteur à succès, Boris Bergman est aussi un comédien de talent. Il a joué dans plusieurs télé séries et films dont Le cimetière des voitures, en 1981 (un film d’Arrabal) et Jésus de Montréal, en 1990 (un film de Denis Arcand). Ce dernier film, où il joue le rôle d’un homme d’affaires détestable, laisse de lui une image marquante de comédien. Enfin, il a signé, avec Paul Ives et Richard Leduc, une comédie musicale intitulée L’année du rat.

Bref, le parcours de Boris Bergman est rempli de belles surprises. Depuis 35 ans, les commandes et les collaborations n’ont jamais cessé. C’est sûrement signe de grand talent. Un talent que Boris a su mettre à profit et nous faire partager, avec grand bonheur.

 

~Bergman, Boris. - Un tatami pour Mona Lisa. - Bordeaux : le Castor astral, 1999. - 158 p. - ISBN 2- 85920-358-3.

 

~Bergman, Boris. - Il a marché sur la queue du dragon. - Paris : Seuil, 2001. - 265 p. - ISBN 202048000X.